Comment se porte votre marché ?

« En France, le marché de l’art se porte bien, merci ».
C’est ainsi que débute l’article de Jean-Michel Normand intitulé « l’art touche le gros lot » (Le Monde magazine, 03/12/11). Derrière cette accroche surprenante se cache un article sur les excellents chiffres des maisons de ventes cette année et autres anecdotes sur les prix de la collection Tintin…

Si de mon point de vue il est difficile de mesurer la vitalité du marché, je peux par contre sans aucun doute affirmer que le monde l’art en France va mal. On a trop souvent tendance à oublier que derrière les quelques stars du milieu et les grands lieux d’exposition se cachent une multitude de personnes que les évolutions des mêmes marchés affectent plus durement que jamais.

On peut parler dans un premier temps des centres d’art de province et de banlieue, ainsi que des petites écoles, dont le budget fond comme neige au soleil, corolaire de l’endettement des collectivités locales n’ayant plus les moyens de les financer correctement.
Certaines institutions ferment tout simplement (comme l'École supérieure d'art de Rueil-Malmaison) d’autres essayent de faire face avec les moyens du bord. Une des options consiste à faire passer tous les postes en contrats d’insertion (voir les offres de travail sur le site de la Cipac). Ces magnifiques CUI permettent à de jeunes diplômés, souvent de master avec une première expérience professionnelle, d’accéder à un emploi au Smic durant 6 mois, renouvelable 2 ans.
On construit ainsi une « économie de château de sable » où tout ce qui est construit sera à refaire, puisqu’il est impossible de garder les gens passée cette durée. Du gâchis pour les lieux d’exposition mais aussi pour les médiateurs ou chargés de projet pour qui aucune évolution de carrière n’est envisageable. 

Cette situation a bien sûr des effets pour les artistes. Budget de montage et/ou de production sont de plus en plus difficiles à obtenir et les bourses de résidences se réduisent.
De plus en plus, toute forme de rémunération ou de gratification disparaît avec l’argument que chaque exposition ou publication est une « vitrine gratuite » (si le travail est montré c’est déjà un privilège). De nombreux jeunes artistes, pourtant régulièrement exposés, sont donc au RSA.
A côté de ces problèmes financiers s’ajoutent aussi la modification des attentes ; les résidences, qui ont souvent pour but de redynamiser les provinces en y créant une activité culturelle, imposent de plus en plus une interaction avec le territoire. Celle-ci vise à recréer du lien social là où il a disparu, on se retrouve donc avec des programmes qui sont assortis à des animations en école et maisons de retraites… et petit à petit on s’éloigne de l’idée de résidence de recherche. 

Tout cela pour dire que, comme partout ailleurs, tandis que les marchés sont à la fête, les travailleurs du même secteur sont toujours plus précaires.

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